Entre-temps, Gaspard avait saisi son violoncelle, et c'est donc avec un troisième membre inattendu que Xiu Xiu se livrait à l'exercice de l'improvisation. Comme un chat qui, lâché du cinquième étage, retombe encore sur ses pattes, Jamie et Caralee savent retrouver dans ces circonstances imprévues ce qui fait le prix de leur musique : la tension rythmique, l'incertitude mélodique, l'émergence soudaine d'un événement sonore dont on ne saurait dire si c'est encore du rock, ou plutôt de la musique expérimentale balinaise.
Quelques heures plus tard, au Nouveau Casino, Xiu Xiu allait comme d'habitude livrer un set d'une densité peu croyable et d'un engagement surhumain : on y entendit des basses herculéennes se briser sur des fragments de cymbales, des cris de haine et des chants d'amour, avant de conclure sur un moment de grâce absolu, lorsque la voix de Caralee vint délicatement ponctuer la fin d'une version sublime, forcément sublime de « Sad Pony Guerilla Girl ». Rétrospectivement, l'expérience improvisée vécue l'après-midi prenait alors tout son sens : on venait de pénétrer dans le laboratoire du miracle.