Dans l'idéal, on aurait aimé les faire jouer sur un perron moisi sur les bords du Mississipi, soixante-dix ans plus tôt. Mais voilà, nous sommes en octobre deux mille douze, dans le onzième, et il faut faire avec ce qu'on a. Comme ce concierge mécontent qui nous vire pendant les repérages parce que tu comprends, "On a une tranquillité à préserver, nous, Monsieur ".
Notre errance prend fin dans une ruelle derrière leur piaule. Autour de nous ça bosse encore dur. Entourés d'ateliers où l'on repasse, coud et plie avec ardeur et labeur, personne ne prête attention à nous. Comme si nous n'existions pas. Ca tombe bien, la musique de Two Gallants a toujours eu cette dimension spectrale, détachée du présent.
Et puis ce perron rêvé finit par se dessiner, quand le duo entame Crow Jane sur les marches d'un atelier. Ca sent la fin d'une dure journée passée à trimer. Les mouvements des travailleurs se font las, ils donnent le rythme et Adam s'aligne. Trainant ses casseroles faulknériennes, il maudit une dernière fois cette catin qui lui a brisé le coeur et Tyson, lui, compatit en harmonie. Derrière nous, les fers crachent leur vapeur en râles languissant. Je ferme les yeux et j'entends le train siffler. Le bruit du progrès qui a relié les états, apportant son lot de malheur et de désolation.
The Bloom And The Blight est disponible chez Fargo Records, et c'est plutôt la classe.
Et sinon le groupe était en concert hier, et soyez rassurés, ils jouent toujours aussi fort.