Tomi Lebrero jouait un de ces soirs dans un bel appartement qui accueillait a rythme régulier toute une famille de musiciens folks du coin. La nuit en bonne compagnie porteño était déjà bien avancée, l'alcool irriguait les dernières chansons, et le lendemain une seule mélodie me restait en tête, une ultime mélodie que la salle entière s'était mis a chanter a tue-tete.
Lorsque l'on voyage pour de longs mois, tout rapport aux objets et aux souvenirs prend une autre dimension. On ne peut rien garder, rien rajouter a son sac, si ce n'est en jetant un autre élément. Cette nécessité d'être précis dans ses choix s'applique aussi aux expériences que l'on mène chaque jour, aux petites aventures que l'on met en jeu et dans lesquelles on engage l'espace de quelques minutes, de quelques heures d'autres personnes. Mais voila, et c'est le discours que je tenais a Tomi - je voulais repartir de Buenos Aires avec cette mélodie dans mon sac. C'était plus important que tout a ce moment la, il le fallait.
Tomi était occupé, Tomi devait quitter la ville au plus tôt. Nos agendas ne pouvaient coller, je m'étais engagé sur trop d'autres tournages. Pourtant je ne voulais qu'une chanson, une seule, pour pouvoir l'emporter ailleurs et la partager avec d'autres amis et la chanter en choeur encore et encore.
C'était le mardi 2 février. Je courais a travers la ville pour filmer d'abord les amis du label ZZK, puis tenter une étrange expérience sonore avec Coso dans un ancien hôpital désaffecté de San Telmo. Tomi appelait alors. Il fallait que je reparte a l'autre bout de Buenos Aires au plus vite. Il m'avait donné une adresse dans Colegiales, me disait juste 'je vais te chanter la chanson'.
Les mois ont passé, j'ai voyagé dans d'autres coins du monde, et partout j'ai pu partager cette chanson. Tout semblait plus simple, et toutes ces quêtes sonores semblaient être résumé dans ces 7 minutes. Je pouvais voyager léger, j'avais sur moi en permanence un petit bout de vie qui faisait 'la la, lala la, la la...'.