Puis, va, il n'y avait pas grand chose à faire, il devait marcher, on devait le suivre. Pas un punk, non plus, le Tobias. Mais il s'est révélé impossible à suivre. Moi qui ai vu Vincent Moon déstabiliser nombre de groupes par ses fulgurances et ses acrobaties de cadre, je le trouvai décontenancé par un mec qui ne marchait pas droit. Tobias faisait deux pas, il s'arrêtait, reprenait. Il essayait de se glisser dans une porte, il se retournait, il chantait balade à une fille, il s'incrustait dans un bar-tabac en train de fermer. Le tout en jouant tranquillement, comme si de rien n'était, et en regardant, regardant, regardant, partout.
Il faut quelquefois chercher longtemps avant de trouver ce qui vous fera vibrer chez quelqu'un. Chez Tobias Fröberg, c'est venu tout de suite : ses yeux. Grand ouverts, cherchant sans cesse à tout prendre, comme si le musicien ne voulait rien rater, comme si ses yeux n'avaient rien à foutre de ce que fait le reste de son corps, pourvu qu'ils puissent tout agripper. A l'entrée du G20 où nous nous sommes retrouvés après l'expulsion cordiale et surréaliste d'un resto chic, il tentait d'accrocher le regard de tous les passants. Dans le magasin de musique où il s'est incrusté, il n'a pas manqué un poster, n'a pas manqué non plus de fixer la caméra. Tout en jouant, comme certains fredonneraient, l'air de rien. Whatever.
Ah ça oui. Whatever. Désinvolture absolue. Tobias ne révolutionne rien, mais il s'en fout. Il chantait déjà de jolies chansons folk sur un premier album. Sur le deuxième, Somewhere in the City elles sont plus belles encore, plus consistantes, et rendent des hommages qui sont plus que des clins d'oeil : le God's highway de la première vidéo, écoutez là en version album, c'est le nain et le grand rouquin, parfaite réplique, il l'avoue, il s'en fout.
Le tournage sera identique. Trois scooters manquent de l'écraser, il s'en fout (mais Aude, qui l'accompagnait, manque de s'évanouir). Les éboueurs l'interpellent, il se plante de paroles, il s'en fout, la chanson reste légère, on ne pense pas même à reprendre depuis le début, on continue. Il ne s'arrêtera pas de chanter tout en observant un homme qui le croise en portant un tuba, il ignorera puis s'imposera à la caméra, il dira des bonjours comme ça. Comme s'il était naturel d'arriver dans un lieu avec une guitare à la main, de demander "je peux jouer chez vous ?".
Ce soir là, le metteur en scène s'appelait Tobias Froberg, il nous a pris par la main pour faire son numéro, et nous ne pouvions rien faire que glisser sur ses surprises, accompagné par de douces mélodies, chantées l'air de rien.
PS : Mille merci au propriétaire de Music Avenue, qui nous a accueillis avec le sourire et a un putain de MySpace