Elles tremblent beaucoup, même. Assez, en tout cas pour que nous nous inquiétons de la suite de la soirée, et que j'aille en toucher un mot au manager. Qui me dit bien sûr d'aller en parler à Jon. J'en parle à Jon. Je me fait remettre à ma place par Jon. Himself.
Ça, c'est fait. J'aborderai donc ce concert avec une belle tranquillité d'esprit.
Deux heures auparavant. Jon Spencer, ses deux musiciens, les quatre mecs de son staff et leurs 3 tonnes d'équipement sont arrivés dans la cour pavée. Ils sont montés dans l'appartement, ils ont dit que ça, ça allait là, que ça, ils n'en voulaient pas, que ça, faudrait le mettre plus comme ça, et que c'est truc qui se chargera du machin. Les fourmis se sont activées. Le soundcheck a fait beaucoup beaucoup du bruit, nous sommes partis acheter des bouchons d'oreille pour le public, brûler quelques cierges, avons multiplié les sourires embarrassés vers Marjolaine, qui avait eu la folie de nous accueillir.
Organiser un concert de Jon Spencer dans un appartement parisien, c'est un peu comme monter dans le plus grand grand huit du monde. On est d'abord excité et bravache, on surjoue une espèce de paisible confiance en soi au moment d'acheter le ticket. Puis, une fois dans la queue, on commence à flancher. Et assis dans le siège, on se demande ce qui nous a pris.
Quand le JSBX a commencé à jouer, j'étais dans ce siège, et le forain à la grosse bedaine venait de bloquer mon harnais. Trop tard, on y va. Et vingt minutes plus tard, nous avions oublié toute peur, nous en riions, nous devenions à la fois roublards, punks, inconscients, petits cons. Nous réclamions plus de pentes et de loopings. Trop facile, trop bon : le Jon sait y faire. Son show est réglé au détail près, il sait exactement comment chaque chose doit être, et il sait pourquoi. Parce qu'il sait qu'il va gagner. Il le savait quand il a calmé le petit con qui croyait lui dire comment jouer. Il le savait quand il a lancé son premier riff. Il le sait après une heure de show, alors que le public est à genoux. Assourdi. Ravi.