Eux qui ont débuté dans les squats d'Amsterdam aux premières heures du mouvement do it yourself, qui ont joué dix fois dans chaque salle d'Europe et du monde, qui ont mêlé leur rock au jazz le plus libre avant de lui créer de nouvelles racines au cœur de l'Ethiopie… The Ex c'est la liberté musicale dans sa forme la plus rigoureuse, l'autonomie jusqu'au bout, pour tout.
Pour le coup, ils ont commencé par se la jouer orthodoxe, en s'installant à un coin de rue comme des travellers, entre la salle et les bureaux des Instants. C'est Katherina, la batteuse, qui mène la danse avec ses pulsations répétitives typiques de l'Afrique de l'Est. Elle a beaucoup fait pour tirer le groupe vers ces contrées, c'est elle qui a commencé à chanter en éthiopien lors des concerts. A côté d'elle, à ce coin de rue, les deux guitaristes siamois se guettent sans cesse. Ils sont le pont entre les débuts rock du groupe et sa forme actuelle, prêts à exploser à la seconde. Ils ont les cheveux un peu gris et ils se marrent comme des lycéens qui viennent d'apprendre que le cours est annulé.
Repli en intérieur, ambiance de squat. Pour faire des économies et parce que c'est dans l'esprit de la maison, les Instants chavirés ont aménagé des chambres dans un immeuble situé à 30 mètres de la salle. Les musiciens de passage y vivent un jour ou deux, il y a une cuisine et une terrasse. Et au rez-de-chaussée il y a ce vaste espace qui ne demande qu'à vivre. On y a installé la batterie et rebranché les guitares pour un morceau cette fois bien punk. G.W. Sok, le chanteur historique de The Ex, nous a rejoint. Toujours aussi taiseux, il est resté dans un coin jusqu'à ce que vienne le moment de violenter au mégaphone la boucle électrique déjà malmenée par le saxophone de l'un des invités du jour, Wolter Wierbos.
Là, on ne va pas vous le cacher, on a eu des problèmes avec le son… Mais notre mixeur a sauvé les meubles et l'esprit, et quand Sok commence à scander ses slogans politiques, on se dit qu'on monterait bien une barricade en plein Montreuil.
Re-déplacement de la batterie et nouvelle mutation de The Ex. Le troisième morceau enregistré pour cette session à emporter sera éthiopien. Afework Negussie apparaît, il est tout le temps mort de rire et il a un regard apaisant. On sait déjà que ce qui arrive sera très joli. Il lance lentement son marenqo, ce son rêche et nerveux sur lequel il pose peu à peu son chant, puis prend son rythme de croisière. Katherina ne le quitte pas des yeux, G.W. Sok est là en témoin, toujours aussi silencieux. Le morceau monte, divague en beauté puis s'éteint lentement. Il aurait pu durer 25 minutes… Afework est toujours aussi souriant et nous on est heureux d'avoir filmé The Ex, que ces vieux briscards passionnants nous aient trimballé à travers leur sono mondiale autonomiste.