Laisser Vincent Moon seul avec le groupe à l'extrémité de l'Allée des Cygnes, et attendre caché derrière la statue de la Liberté, à refouler les touristes italiens qui s'approchaient trop près. Me voir offert un moment, une proximité exceptionnelle avec un des groupes fondateurs de mon amour de la musique, et rester paralysé derrière le professionnalisme et le blasé
de Neil Hannon.
Je me suis rabattu sur le moment, j'ai fredonné timidement Tonight We Fly, savouré un étrange échange sur l'architecture de Beaugrenelle avec Neil, profité du soleil couchant, ri d'un caniche essayant de forniquer avec un labrador sous la banc d'à côté. La bouée est arrivée à la troisième chanson. Deux garçons et une fille se sont arrêtés à quelques mètres du banc ou le groupe jouait. Ils avaient des sourires béats, se regardaient, n'en revenaient pas. Ils venaient de passer une heure à faire la queue pour avoir des places pour la session qui allait suivre sur FIP, ils n'en avaient pas eu et tombaient sur le chemin du retour sur Divine Comedy qui jouait un morceau dans une allée. Leur joie fut la mienne.
Et puis, il y eut la découverte de ce que Vincent Moon avait filmé pendant qu'il était seul avec le groupe. Lady of a certain age : il avait demandé aux musiciens de se mettre en rond, il leur avait tourné autour. Et à la cinquième minute, il s'était rapproché de Neil Hannon, et c'est comme si sa caméra se battait avec lui, prenait la chanson à corps, au moment où Neil lui même commençait à se prendre au jeu, retrouvait la pointe d'ironie qui émaillait son chant dans ses premiers albums, grattait un peu plus fort sa guitare, bougeait ses hanches. Je n'étais pas là, j'étais là.