Sur les halls du bâtiment on trouve désormais des affiches aux couleurs passées, nous enjoignant à visiter un phare hanté et autres attractions locales. Ce sont les artistes qui y vivent à qui l'on doit ce côté mythique que l'on ressent une fois à l'intérieur, et qui exacerbe le mystère de ces couloirs faiblement éclairés par de rares fenêtres.
Les jumelles me conduisent à la lisière d'un bois proche, et rapidement, je me sens tomber dans le terrier d'un renard. Le soleil se fraie un chemin à travers les nuages, et je m'arrête pour contempler cette étendue vierge, chose rare dans cette ville où nous avons grandi tous les trois. Romy et Sari, sur des quenouilles arrangées en coussins de fortune, s'installent dans l'herbe haute et bientôt leur chanson se fond parmi les graines aériennes qui flottent autour de nous.
En marchant pour atteindre la face sud de l'île, Sari et moi parlons de Vashti Bunyan, Marina Abramovich et les sons que tire Diamanda Galas de son piano qu'elle violente, et qui semblent tout droit sortis d'un cercueil. Romy nous dépasse et disparaît dans un sentier étroit et sablonneux. C'est une créature mi-femme mi-bête que nous retrouvons un peu plus loin. Un bouquet de fleurs séchées ici, un parasol là, et nous voilà à genoux parmi les fourmis rouges.
Avec ces incantations trop courtes laissées loin derrière, nous nous aventurons au nord de l'île et dépassons la ville fantôme du moment et les bateaux-cygnes décolorés du parc d'attractions abandonné vers le vieux ferry. Sur son vélo, Sari et son chapeau coupent les ombres sur la route alors que Romy répand bijoux et fourrures pour préparer le retour contraint et forcé au paysage urbain qui nous attend sur la terre ferme.
Derrick Belcham
Traduit par Nora Bouazzouni