Le Dahlia Noir. Quand Annie Clark est entrée dans les bureaux, j'ai tout de suite pensé à cela. Je n'avais pas réussi à l'imaginer avant de la rencontrer, et elle se tenait là, face à nous, droite et souriante, désuète, charmante. Des souliers vernis, une jupe droite, une veste qui se terminait avant la taille, ces yeux immenses et cette chevelure folle. Elle semblait sortie d'un vieux film, d'une autre réalité, elle était stupéfiante. On n'en avait pas fini.
Nous l'avons menée dans un appartement au sommet de Paris, un appartement boudoir, vieux meubles chinois, combles, photos décaties et bouquins entassés sur les murs, un peu partout. Partout où elle se posait, il y avait du cinéma. Avec sa veste sur un balcon surplombant Paris, allongée sur un lit de soie, partout il y avait cette voix, qui fredonnait Five Years
de Bowie chaque fois qu'il y avait un silence à combler. Nous étions tous magnétisés, oui, disons-le. On en faisait un peu trop, et elle aussi. Annie minaudait et nous l'encouragieons.
En écoutant l'album “Marry Me”, on ne peut s'empêcher de penser qu'Annie Clark cherche à être un peu toutes les femmes. Dans cet album presque trop dense, il y a un peu de PJ Harvey, un peu de Feist, un peu de vieilles chanteuses de Jazz, des femmes en colère, des femmes amoureuses, des femmes qui sont tout cela à la fois. Ce disque est si plein qu'on se demandait ce qu'Annie ferait seule. Elle nous a convaincu que tout cela, ce disque, ce n'étaient qu'artifices qui cachaient des chansons qui se tenaient aussi bien nues. Et à la voir déambuler dans l'appartement, taper sur des verres, fredonner dans la rue, chercher à jouer de tout, on s'est convaincu que cette pléthore du disque n'est pas tant de la prétention que de l'envie d'essayer, de fureter, de se frotter à tout.
Ou pas. Pendant une heure, nous avons tous joué une belle comédie. Elle en avait pris les rênes.