Et puis plein d'autres collections, l'organisation précise, mathématique, de notre rapport poétique au monde. Ça fout un peu les boules mais a chacun son approche. C'est ainsi qu'on avait commencé les 'concerts à emporter'.
Donc, voila, environ 4 ans plus tard, on est arrivé à 100.
A vrai dire, beaucoup plus, on a triché, on a ramené des amis pour filmer, ça s'est un peu étendu ailleurs, les numéros voulaient plus dire grand chose, je les gardais jalousement pour sortir du lot... Voire, certaines vidéos dont on n'était pas très fiers, on foutait pas le numéro en question. Je voulais m'arrêter à 100, ça faisait bien, mais alors je voulais que les 10 dernières soient vraiment exceptionnelles. On aura fait de notre possible, on aura été plus qu'exigeants pour toujours faire mieux, différent. Au moins, une chose que je sais maintenant, c'est que j'avais bien fait d'attendre Soema pour finir la série. C'est la meilleure, vous allez voir, la plus grande.
J'étais de passage à Buenos Aires, deux semaines en tout, une semaine pour chercher, une autre pour filmer. Un amie m'avait parlé de Soema quelques mois auparavant, un ami m'a parlé de Soema la bas. Lui, il bossait avec elle, avait sorti son premier album, était persuadé qu'elle ferait une belle rencontre. Il n'imaginait sûrement pas qu'elle détrônerait tous les autres à mon panthéon musical. Et de quelle façon! Je verse des larmes en repensant à cette journée pluvieuse, un été argentin. J'étais passé en Bolivie une semaine avant, je cherchais Luzmila Carpio mais n'avais pas pu la trouver. Tant pis, Soema la remplacera.
Filmer Soema... On avait rendez vous chez elle, en périphérie de la capitale argentine. Je lui avais demandé quelques morceaux, elle en fit beaucoup, tout le temps, joyeusement et quasiment sans jamais se reprendre.
Quel plaisir ce fut, ces dernières semaines, de projeter à mes amis cette chanson qui conclue la seconde vidéo, et sentir la chair de poule prendre les spectateurs. Cette voix! Ces envolées, cette facilité à jouer de son corps et de l'espace. Elle me fait penser à Iva Bittova parfois, cette légèreté, ce talent tel qu'il efface la technique, renvoie tout ça par dessus bord pour vous laisser juste pantois, amoureux d'une bouche, d'un corps entier, traversé de vibrations.
On devait passer quelques heures, un après midi ensemble. Il s'était mis a pleuvoir assez rapidement, alors que l'on revenait jouer quelques morceaux dans le centre ville. Arrivés à San Telmo, la pluie nous a pris de court. On avait retrouvés une amie à elle avec sa contrebasse, et je nous revois encore en train de chercher un lieu abrité du ciel dans ce beau quartier pavé pour touristes en quête de typique. On s'est assis prendre un café, et Soema a chanté ce morceau si doux, si court, 'una vez, un pez'. C'est ce morceau qui conclue la 3eme partie, et on a envie de l'écouter en boucle. D'ailleurs, on l'a mis en boucle. Comme une danse douce et sans fin, suspendu, entre les gouttes.
La pluie avait perturbé nos plans, et la rage de ne pas avoir bien terminé un portait aussi délicat... A bout de nerfs, j'ai alors demandé à Soema de rejouer un autre jour pour moi. On a organisé un concert, en intimité en invitant quelques amis. C'est ce moment qui conclue la dernière partie, extrait d'une soirée plus longue, que j'espère pouvoir montrer une autre fois, probablement en bonus de son second album, a sortir bientôt. Soema y apparaît comme une délicate prêtresse, chaman musical, élément principal d'une rencontre qui va au delà des seules sonorités.
Merci à Lucas d'avoir monté ces images, merci à Pablo et Stephan, de m'avoir fait découvrir la plus belle musique possible.
Merci d'avoir regardé ces petits films. Le plus grand plaisir que j'ai pu avoir ces dernières années a faire ce projet des Concerts a Emporter, il tenait a faire partager des moments musicaux intimes avec des gens que j'admirais. A dresser des petits portraits comme des potlatchs, comme des petits dessins oubliés sur une table de dîner, simples et fugaces, une monnaie d'échange a notre façon. Donne moi quelques morceaux, je te donne un film. Filmer Bon Iver, les National, Arcade Fire, ce fut bien sûr très heureux, et a changé ma vie. Mais vous faire découvrir Soema Montenegro... Vous n'imaginez pas mon plaisir. Merci. A elle. Suerte.