Il nous invite chez lui, dans une maison peinte en bleu turquoise, ce même bleu turquoise que nous rencontrerons ensuite à travers tout le Mali, et nous buvons un thé en parlant du concert à emporter. Nous devons filmer aujourd'hui, car nous quittons Bamako ce soir pour entamer un périple à travers le pays. Sidi, bien qu'enthousiaste, n'a pas la chance avec lui: la seule guitare qu'il possède s'est cassée il y a peu de temps, et il lui va lui falloir quelques jours pour en trouver une qu'il pourra emprunter. Tout ça reste un peu improbable, mais trois semaines après, nous devons revenir à Bamako pour prendre l'avion qui nous ramènera chez nous. Alors on lui propose de tourner ce concert à emporter à ce moment-là. Il sourit et nous dit qu'il est d'accord, mais la tristesse sur son visage... Je ne suis pas sûre qu'il croit que cela se produira vraiment.
Trois semaines ont passé, et je ne suis pas sûre de savoir ce qui me rend le plus heureuse: être encore une fois avec Sidi dans ce si beau quartier, ou alors le voir qui nous voit lui, dans son quartier. Pour être tout à fait honnête, je ne crois pas qu'on ait été vraiment certains de pouvoir revenir à temps, mais la force de nos premières impressions après avoir rencontré Sidi nous a donné envie, alors voilà, nous y sommes. J'ai l'impression qu'après notre voyage à travers tout le pays, je ne peux qu'apprécier d'autant plus tout ce que ce moment a de “malien”. Comme celle du Mali, l'histoire de Sidi c'est l'espoir silencieux et une beauté qui résiste à tout, même aux moments les plus difficiles. Je vois tout cela en Sidi, et bien qu'attristée par le pillage dont il a été victime, je me sens inspirée par la force de ses chansons, de son histoire: sa musique nous a trouvés à l'autre bout du monde et nous a amenés ici.
Sidi nous a guidés à travers les rues de son quartier, grouillantes d'enfants, et chaque personne que nous croisions commençait à chantonner ou taper dans ses mains en entendant ses chansons. C'est une évidence: nous nous trouvons avec un homme apprécié de tous. L'atmosphère se reflète sur le visage de Sidi – il a l'air tellement heureux quand il chante qu'on ne peut pas s'arrêter une seconde de sourire. Tant de beauté se dégage de cet homme, de sa musique, que je me sens par-dessus tout soulagée; soulagée de le voir comme ça, soulagée de pouvoir saisir cet instant, cette expérience, et la partager avec le monde entier. De retour à la maison, j'ai du mal à mettre des mots sur ce qu'a été le Mali pour moi, mais ces vidéos de Sidi sont le reflet de ce dont je me souviens le plus nettement de ce pays: des couleurs et des chansons.