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take away shows — By Un invité
Directed by
Vincent Moon
In Los angeles

Sharon Van Etten

Les journées de Vincent Moon filent plus vite que les nôtres. Chez lui, le temps ne passe pas, il ne le gaspille pas, il préfère le jouer comme d'autres jouent au poker. Difficile de suivre ses pérégrinations ; où est-il aujourd'hui, dans quel pays sera-t-il demain ? Une chose est sûre pourtant : où qu'il soit, les idées abondent. Griffonnées dans son carnet, gribouillées sur ses mains, tapées sur son téléphone rafistolé, ou même prises dans ses cheveux.

La simplicité de ses films pourrait faire croire que la magie qui s'en dégage est chose banale qu'on peut invoquer n'importe où, n'importe quand. L'exhorter continuellement à filmer tel ou tel nouveau groupe, c'est s'attendre à passer pour l'entremetteur zélé qui toujours essaie de présenter Moon à quelqu'un, où qu'il se trouve. Quelqu'un, lui promettez-vous à chaque fois, qu'il va forcément adorer...

Quelqu'un comme Sharon Van Etten, musicienne folk au regard pétillant mais que vous suspectez d'en pincer secrètement pour les bad boys, les soirées qui se finissent au petit matin, et la musique à fond les enceintes. Depuis ses premiers enregistrements faits maison, Sharon a toujours voulu créer un lien privilégié avec ses auditeurs : partager un moment qui ne se termine qu'avec le bruit de son doigt qui appuye sur le bouton "stop", dans une pièce autrement vide. Sa voix sincère et intemporelle, un phrasé simple, un sentiment d'urgence ; tout vous fait venir à elle, que votre coeur soit intact ou qu'on l'ait brisé mille fois. Et si sur scène elle se trompe, vous vous prenez à sourire là où vous auriez autrement levé les yeux au ciel.

Vincent aime les erreurs, les accidents et les coïncidences. Sa manière de filmer s'accorde parfaitement avec les instants "tristes mais parfaits" des chansons de Sharon. Alors un jour, au mois de février, après avoir passé presqu'un an à lui en parler sans arrêt, Vincent est venu la voir à New York, sans prévenir. Ses films sont d'autant plus magiques qu'ils vous donnent envie d'y être, et vous font vous demander où vous étiez et ce que vous faisiez ce jour-là. Mais d'une certaine manière, vous êtes mieux derrière votre écran, où la vie n'a jamais semblé si belle, où l'ordinaire devient mystique. Vous vous sentez le spectateur privilégié d'une tranche de vie intime, alors qu'en fait, le monde entier pourrait regarder la même chose, en même temps.

Sharon donc, emmitouflée, cachée, sa tête qui se balance et disparaît dans une brume dorée, une perle de lumière qui embrase l'objectif, la Statue de la Liberté derrière son épaule, le reflet tremblant d'un vieux tram sur la fenêtre d'un diner
, le coucher de soleil pris dans ses lunettes de soleil, les oiseaux qui semblent suivre ses chansons à la trace.

Exceptionnelle ou non sur ce film, peu importe. C'est aussi ça, vivre la musique ; ce genre de moments aux contours un peu flous. On voudrait en savoir plus, mais c'est la meilleure entrée en matière qui soit, parce qu'il reste tellement à découvrir. Sa musique n'attend que vous, chaleureuse, accueillante, et ne vous demandera pas où vous étiez tout ce temps.

Voilà, la magie a opéré. Une autre des journées de Moon s'est envolée. En espérant qu'on ne leur coupe jamais les ailes.

Merci.

La version 'uncut' (18 minutes) est sur Vimeo : http://vimeo.com/13502285