Sans doute alors, pourrez-vous ressentir la force de l'expérience. Ces huit heures passées sous terre en compagnie de Saul Williams. On est partis.
C'est Saul qui était venu vers nous, avec une idée précise en tête : il voulait faire un film dans les catacombes de Paris. Les "vraies", celles auxquelles on accède difficilement et illégalement, celles sans guide ni empilements de crânes pour épater la galerie. Il espérait que nous serions assez fous pour le suivre là-dessous. Nous avons été assez fous.
François a enrôlé un de ses amis cataphiles, nous sommes partis acheter l'équipement requis, François et Colin sont partis faire une demi-journée de préparation et de repérage, réfléchir comment l'équipement survivrait... Nous étions prêts à prendre Saul et ses musiciens avec nous.
Elles sont inhospitalières ces galeries. Il y fait froid, elles sont humides au possible. La plupart sont inondées, d'autres sont juste assez larges pour s'y faufiler. Il faut grimper, se baisser, se tordre, marcher des heures sans rien voir devant soi, avoir de l'eau jusqu'aux cuisses, une lampe frontale pour seul éclairage. Il faut faire passer l'équipement dans une trouée avant de s'y faufiler, lutter contre les crampes, être dans le noir, puis, quand on tombe dans une salle plus large, respirer... et jouer.
Dans cet univers sombre, claustrophobique à souhait, la carrure, la présence, la voix de Saul Williams n'en sont que renforcées. Ses hurlements résonnent, son regard est plus perçant que jamais, sa voix posée, quand il se lance dans une impro, a la puissance du sermon. Et lorsqu'épuisés, à la lumières d'une multitude de chiches bougies, l'équipe se lance dans la paisible conclusion du voyage, dans une chanson calme, posée, la puissance est toujours là, diffuse. Saul impose le repos.
Voilà, c'est terminé. 30 minutes. La libération. Eux étaient là depuis huit heures.