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take away shows — By Chryde

Paris, lost in Texas

Son dernier album, Red Hunter (Peter and the wolf) le vend uniquement sur son site. Il fabrique et dessine la pochette de chaque exemplaire, qu'il accompagne d'une histoire tapée à la machine. Il y raconte que, fauché, il est parti l'an dernier dans une petite ville canadienne, a squatté une pièce sans électricité, dormi dans des parcs et écrit les chansons de Ivory Palms. Red Hunter est un hobo insouciant, qui va où le mène le vent et vit d'expédients s'il le faut. Cet après-midi là, malgré sa belle chemise, sa coupe impeccable et ses verres fumés, il avait juste l'air de ça : d'un garçon qui prend ce qui vient avec le sourire, d'un mec qui se laisse porter. Et qui nous a pris avec lui.

Nous étions à Austin. Il faisait chaud, un festival rasoir était censé occuper nos journées. Nous étions épuisés et las. Jusqu'à ce qu'une incroyable conjonction nous porte dans une épopée libre et joyeuse. Nous avions promis à Jared, de Sparrow House, de le filmer de nouveau. Nous rêvions d'enregistrer quelques vidéos avec Red Hunter. Et David Fenech nous avait donné le contact de Jad Fair, musicien mythique et lunaire, qui habitait une ferme dans le coin. Nous avons combiné les trois. Jared a emprunté le van de Voxtrot, a mis Red dedans, et ils sont venus nous chercher. Vincent Moon, sentant qu'il tenait là un bout de rêve gonzo, a allumé la caméra et ne l'a plus éteinte.

Il y avait sans cesse de la musique. Sur le chemin vers chez Jad, Jared conduisait mais voulait chanter tout de même. Derrière, Red ponctuait notre errance de ballades. Nous ne savions pas vraiment où nous allions. Nous ne savions pas ce que nous allions faire chez Jad, comment il nous accueillerait, si nous jouerions de la musique. Mais quelle que soit la surprise à l'arrivée, l'aventure avait déjà commencé, nous avions le sentiment de tenir quelque chose, la musique nous aurait presque fait oublier la moiteur du moment. Ce n'était que le départ...

Jad Fair allait-il nous manger tout cru ? Nous faire fumer des herbes étranges ? Vivait-il dans un bouge, dans une vieille baraque ? Allait-il être gentil, fou, incontrôlable, pédant ? Nous n'en savions rien, Jad Fair pouvait être tout, il avait fait tant de choses avec tant de musiciens différents...

Il avait un regard allumé, celui d'un homme resté enfant. Sa maison avait la forme d'un cirque, décorée sagement, avec une collection de robots en métal, et des dessins partout. Il voulait tout nous montrer, comme s'il voulait nous rendre la monnaie de notre pièce, à nous qui étions venus jusqu'à lui, dans la campagne texane.

Jad Fair est le musicien le plus doux, le plus adorable que nous ayions jamais croisé. Nous avons oublié tout, si ce n'est que nous croisions un gars cordial, chaleureux, qui nous aurait offert une limonade, et avec qui nous avons joué des musiques un peu étranges. Red carressait des chiens, Jared improvisait sur les délires de Jad. Sean de Daytrotter, qui nous avait rejoint semblait savourer discrètement ce moment de paix.

Nous avons été hors du temps, pendant une heure. Et nous sommes repartis, et nous étions tellement heureux que nous sommes à notre tour devenus fous.

Ce n'est rien. C'est juste de l'enthousiasme, l'oubli rigolard, ponctué de morceaux magnifiques, en chemin vers une jungle étrange et une apogée les pieds dans l'eau.