Ces voitures, ces gens dans les voitures, nous regardaient nous affairer, installer une batterie sur cette vaste, cette vide esplanade de granit, à accrocher les mini-amplis aux ceintures, à poser assez de micros pour être sûr de pouvoir restituer le mieux possible la puissance des morceaux de Ought. Eux aussi tendus à l'extrême, droits et décidés, mêlant une violence sourde à une fraîcheur juvénile.
C'était comme si les quatre garçons avaient décidé d'effriter la géométrie environnante, de se joindre au bouillonnement de la mer sous le barrage pour mieux se frotter aux lignes, aux gris, au granit et aux mouvements si bien réglés. Le violon en dissonance, les guitares qui ressassent en vrille, la voix décidée, houspilleuse, tout cela c'était une marée, un courant comme trop longtemps retenu qu'on laisse enfin passer. Le genre de musique qui vous laisse sans voix, essoufflé. Le genre de musique qui, quand elle s'arrête, fait passer pour du silence la somme des bruits alentours. Les bruits de la métronomie, de la rigueur et de la puissance contenue d'un barrage.