Tu nous en as peut-être voulu aussi, de ne jamais avoir publié de vidéos de cette soirée où tu avais ouvert la Soirée de Poche d'Elysian Fields. Mais tu ne l'as pas dit. Tu ne l'as pas fait sentir, jamais. Lorsque nous nous sommes retrouvés au printemps dernier, sous la bâche d'une terrasse couverte, tu avais ce même sourire que j'ai toujours connu, ces même petits rires enfantins, ces yeux plissés et malins, prêts à accueillir tout ce qui viendra, à prendre ce qui peut se prendre, à donner à qui voudra bien recevoir. Et à chanter, bien évidemment.
La démarche a pu paraître un peu trop évidente, mais nous avions, Colin et moi, quelque chose à réparer. Et pour cela, nous avons préféré essayer de reproduire ce que nous avions effacé. Nous t'avons amené, de nouveau, dans une église. St Merry, celle-là même où nous avions filmé Charles Bradley quelques mois plus tôt, celle où Julien, qui en a les clefs, est toujours prêt à nous accueillir. Surtout, étrangement, quand il pleut.
Elle était déserte comme une église un jour de semaine. Il y avait là un vicaire appliqué, deux ou trois discrètes bigotes que l'on aurait cru habituées à ce que des saltimbanques aux boucles longues comme celle de leur Christ viennent là pousser la chansonnette pendant leurs prières.
On a aussi joué à ce jeu, joué à te rendre christique, à te nimber d'un halo de lumière pâle, à découper ton profil dans un vitrail. Parce qu'on aurait aimé, nous, que les Jésus de notre enfance s'appellent Mathieu, qu'il y ait de la malice derrière leur bienveillance, qu'ils chantent comme s'ils sortaient du bayou et ne se nourrissaient que de vieux whiskies, qu'ils soient d'humbles prophètes, avec juste de magnifiques chansons à partager. On est nous, heureux, enfin, de pouvoir partager une des tiennes. Merci de nous avoir pardonnés, petit prophète.