Pour "Azul", son morceau aux arrangements complexes qui nous rappelait par moments les constructions splendides de Sufjan Stevens, elle avait négocié l’occupation des luxueux locaux de la SACM (l’équivalent mexicain de notre Sacem) : un bâtiment d’architecte dans un parc privé du quartier Coyoacán. Il lui fallait de l’espace, de la verdure, deux pianos demi-queues et ses cinq musiciens habituels pour jouer du glockenspiel, de l’accordéon... et faire les chœurs. Il a fallu répéter, tester différentes configurations et faire fi des petites imperfections, le morceau était long et sa captation un peu délicate. Natalia était concentrée, avec cette attitude un peu déconcertante de prime abord, mais à laquelle nous nous sommes vite habituée : garder un air sérieux, presque austère et laisser brusquement s’échapper un petit rire et un grand sourire avant reprendre aussitôt un ton grave et un peu boudeur. Le tout avec force grimaces…
Elle a voulu jouer seule ensuite, avec une simple guitare, pour peut-être relâcher un peu la pression. Nous avons cherché un endroit moins solennel, plus authentique. Nous avons longuement marché dans les rues adjacentes, essayé d’entrer dans des petites cours privées, de trouver un jardin au calme. En vain… Le groupe commençait à s’étirer sur plusieurs dizaines de mètres et Art filmait nos pas indécis. Natalia a finalement commencé, sans prévenir, à jouer la chanson préférée de François, "Ella Es Bonita". Art l’a rattrapé au début de la chanson et de sa chorégraphie improvisée : des petits pas instables, des bonds mal assurés, un jeu d’équilibre parfait pour cette douce chanson tout en fragilité et en espièglerie…