Malajube, pour nous, ce furent ces garçons qui débarquaient tout juste à Paris, l'un avec perruque, l'autre avec synthé disco, le troisième avec une paire de cuillère qu'il frappait sur sa cuisse. Désinvoltes et à qui, nous l'avouons, nous ne savions quoi trop faire faire. Nous avons donc commencé à marcher et à taper partout, c'était Montreal -40°C et on aurait pu s'asseoir devant un terrain vague ou dans la salle d'attente d'une préfecture que ce serait resté tout bêtement frais et souriant, comme cela.
Mais nous avions bien l'air con, nous avions joué Montreal, et nous ne savions plus que faire. Traverser un boulevard, escalader des voitures, chanter des chansons à des vieilles, foutre le bordel dans un café... prendre le métro. Allez, on ne l'avait jamais fait, et en plus on avait des tickets.
Merci les Parisiens. Merci d'être plus parfaits que les plus parfaits des figurants, d'à peine regarder la caméra, de faire comme si ceux qu'elle filme n'existaient pas, pas plus que celui qui vous demande un ticket resto chaque matin. Merci d'être resté un décor, d'avoir résisté à l'envie de sourire, de n'avoir point cherché à interagir avec cette petite troupe légère venue vous chatouiller l'espace d'un trajet entre deux stations. Merci d'être resté un flux au carrefour des correspondances de République, d'avoir ainsi souligné l'humanité de cette petite bande de garçons qui cherchaient à accrocher quelques regards et quelques oreilles dans cette marée si pressée.
Au final, la dernière vidéo n'est que le reflet métaphorique de la précédente. Les voitures ont remplacé les hommes. Comme eux, elles passent, et ce n'est que dans les courts interstices offerts par leur croisement que nous distinguons un groupe, là bas, qui joue. Paris n'est pas un terrain facile.