Nous ne savions rien de Lianne La Havas, nous avions beau chercher, nous n'en trouvions guère plus, nous devions nous reposer sur l'insistance du label, et sur la joliesse de ce visage, sur la fraîcheur de ce sourire, le charme de cette voix. C'était moins une question de foi que de curiosité piquante, d'excitation à l'idée de voir éclore une artiste en cocon.
Il ne fut ensuite question que de tout cela, encore, quelques semaine plus tard. Dans la cour intérieure d'un hôtel parisien, entourée d'une armée d'anges gardiens, elle était là, elle n'avait oublié aucune de ses promesses. Son chignon haut, son sourire large, sa bonne humeur, la permanente pétulance de son regard : Lianne était là, fraîche, curieuse, coquette. Elle partit s'habiller une heure, pris une autre heure pour nous laisser lui parler, chercher, gratter, parler de ses chansons, travailler les bourgeons de mélancolie que nous pouvions déceler. Elle ne cessait de rayonner, tout en nous racontant les douleurs à l'origine de cette chanson qu'elle voulait nous chanter. On a continué à gratter, à lui parler. Nous ne tournions pas, le Concert à emporter avait déjà commencé, nous l'avions emmenée avec nous.
Il ne s'agissait ensuite que de pousser un peu et de l'inciter à flotter sous notre impulsion. Elle avait ces chaussures avec des semelles plateforme démesurées, elle ne pensait pas pouvoir marcher avec tout en jouant de la guitare, sans doute moins encore en chantant. Nous l'avons emmenée place du Tertre, son sol de pavés irréguliers, ses badauds bruyants, ses amas de foules en inertie bloquant le chemin. Elle y a marché, y a joué de la guitare, y a chanté. Et encore une fois, ils étaient là, pour nous porter. Cette aisance, ce charme, le sourire caché derrière la mélancolie. Cette joliesse.