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take away shows — By Chryde

Lee Fields

Chanteur soul, c'est un métier. Avec ses petits rituels, sa nécessaire discipline : chauffer sa voix, prendre une serviette éponge neuve et baisser la tête avant de rentrer sur scène, lever les bras quand on arrive sur le bord, puis hurler, transpirer, faire comme si on s'était fait larguer au petit matin dans un hôtel, comme si la chanson qu'on s'apprête à chanter, on l'avait écrite en loge, comme si les larmes étaient fraîches.

On fait ça 10 ans, 15 ans... 40 ans durant. Et le métier rentre. Les rituels deviennent routines, et la discipline est juste là pour rassurer.  On n'aurait presque plus besoin de jouer, de s'habiller, de s'abriter derrière les maniérismes exigés par la profession. On écrit les paroles sur un bout de papier pour s'assurer qu'elles sont bien là. On fait trois quatre vocalises en regardant la Seine.  On garde son jogging. Après tout qu'importe, la Soul joue de l'apparat, mais n'est-ce pas avant tout une musique sincère ?

Alors voilà, Lee Fields, en jogging et basket, debout sur le Pont des Arts encore lesté de ses millions de cadenas, chante comme s'il s'était fait larguer là-bas, sur un banc, comme un malpropre. Comme s'il était venu toucher une dernière fois le cadenas qu'il avait accroché avec elle. Il chante assez fort pour perturber l'interview d'un élu local, pour que les touristes peu à peu s'agglutinent. Il surjoue, et c'est tout à fait normal. Ce n'est plus  le métier qui est rentré, c'est l'essence même de la soul qui est là. La dernière affèterie d'un genre qui a toujours considéré que ses peines, il fallait les hurler.