Je suis construite sur un rythme parfait, une oscillation métronomique en suspension au dessus du vide, un balancement qui te rappellera les trajets en train Corail dans les Alpes et au cœur du Massif Central, vers des montagnes que quelque chose en toi voulait absolument gravir et à travers des gorges encaissées qui te donnaient des vertiges presque jouissifs.
Je suis emmenée par un chœur qui te fera penser à des souvenirs indistincts d'enfance, quand tu as compris pour la première fois en écoutant les disques de tes parents ce que la voix humaine pouvait éveiller en toi quand elle se faisait concert.
Je suis soulevée par un piano qui se répète en cycles et qui te renvoie des images de premières neiges sur le Forez et des flamboyants en fleur du printemps cairote.
Je suis conclue par une petite flûte qui évoque des images pastorales, des images d'un ailleurs loin de l'urbain, des balades sur les chemins qui s'offrirent à toi et que tu pouvais prendre parce que tu étais tout à fait libre de le faire. Comme tu l'es à nouveau aujourd'hui.
Je suis un texte qui dit parfaitement l'endroit où tu te tiens maintenant, un endroit étrangement tempéré où il ne fait ni trop chaud ni trop froid. Un endroit où se mélangent le sentiment du "devoir" accompli et la tristesse mais où le regret ne peut pas entrer. Je suis un texte qui dit le doux-amer des souvenirs qui peuvent être heureux, attentionnés, inexacts, miséreux et pourtant, inévitablement, de plus en plus palots.
Je suis un tom qui résonne lourdement et qui envahit le bas du spectre sonore, qui est comme un écho des pas qui t'ont emmené ici et là, qui t'ont fait prendre les routes encore et encore et qui feront encore que demain tu ne saurais rester là.
Je suis la voix d'un vieil oncle bienveillant, qui te tient la main et qui te raconte ces histoires qui font sécher les larmes.