Si mes souvenirs sont bons : sept Islandais qui débarquent dans un tour bus gigantesque, mais pas assez grand pour contenir tout leur matos, tassé dans une remorque à l'arrière. Trois taxis pour transporter ça chez Solal, qui habite bien sûr dans une rue étroite. Des caisses, des caisses et des caisses : deux claviers, une batterie complète, une basse et son ampli, un violon, un basson, et plein d'autres choses encore. Et c'est encore si peu, car Hjaltalín a le sens de l'emphase, de la démesure.
Nous glissons des concerts dans des salons, eux font mieux encore : ils tricotent des épopées dans les quelques minutes d'une chanson pop, sonnent comme si chacun jouait de trois instruments simultanément, donnent l'ampleur, le souffle, la violence d'un Opéra au moindre de leurs arrangements. Ecoutez, écoutez, ce que vous entendez, c'est ce qu'entendaient vraiment les personnes présentes ce soir-là...
Ecoutez et comptez le nombre de sonorités distinctes produites par chaque instrument dans une seule chanson. Comptez les brisures, les ponts, les détours, les revirements soudain, le tempo qui s'emballe, un calypso improvisé puis nous revoilà martelant un refrain pugnace. Les chansons duraient des heures, de véritables sagas, si amples, si ambitieuses...
Tout cela sans compter une sombre balade improvisée dans la cuisine, une reprise de Gainsbourg, une autre d'une bluette hexagonale sortie d'un vieil Eurovision. Car cette chanteuse(et quelle chanteuse) parle Français, voyez-vous.
C'est le petit Solal, 14 ans, qui nous accueillait ce soir là. Il avait convaincu ses parents, qui avaient eu la bonne idée de convier tout l'immeuble. Aucun ne connaissait Hjaltalín. Et tous, tous, ont été médusés, séduits. Rien que pour avoir fait découvrir ce trésor, on s'est dit que ça valait carrément le coup de gaver ces taxis de caisses d'instruments.