C'est ce que m'a soufflé Chryde hier soir, au milieu d'une bouteille de beaujolais bien entamée. Et je crois qu'il avait un peu raison. Il venait de passer une heure à regarder et re-regarder les vidéos, pour choisir lesquelles seraient les deux que l'on mettrait en ligne - on en avait tourné 4, en l'espace d'une heure, je sais plus trop comment d'ailleurs.
J'ai envie de dire plusieurs choses sur ces vidéos aujourd'hui, un peu en vrac. On est arrivés tout de même, déjà, au numéro 25, et on a tous bien besoin de prendre un peu de recul, pour jeter un regard un peu plus distant sur un projet qui questionne, je l'espère pour vous aussi, notre rapport aux images.
Tout d'abord, on a pensé ce podcast vidéo depuis le début comme devant être vu sur écran portable, dans la rue, dans le métro, en extérieur. C'était un peu gadget pour moi, mais je m'amusais en me persuadant que cela marchait moins bien sur un écran large, que l'attention focalisée sur une action somme toute anodine se lassait assez rapidement dans ce contexte là, et que ces séquences assez courtes se regardaient bien mieux sur un iPod. A vrai dire, je n'ai un iPod vidéo que depuis 3 jours, ce qui m'a permis de tester ces idées un peu vite énoncées.
Effectivement, presque à ma grande surprise, je me suis aperçu que le plaisir pris à voir ces vidéos n'en était que plus grand lorsque on les voit dans le contexte même de leur création - l'urbain, la rue - le son du métro et des paroles autour se mêlant aux sons des vidéos, le tout nouant un lien étonnant et assez magique, la frontière devenant subitement floue - donc excitante.
-le regard s'accommode parfaitement, sur des petits écrans transportables, de cette attention diffuse (on se fait bousculer dans la foule des transports, on lâche parfois l'écran pour balader ses yeux aux alentours, on sent la présence de regards autour de nous) et courte (une séquence de 5 minutes comme une drogue, un shoot direct dans les yeux, j'espère que l'on prescrira bientôt les Concerts à Emporter contre la désublimation dont nous faisons l'objet).
-le principe du plan-séquence est une donnée forte pour retranscrire ces moments là (un sentiment de vérité émanant, évident) tandis qu'un montage trop découpée fait douter sur la 'réalité' des événements que l'on a sous les yeux (jetez donc un oeil sur l'affreuse vidéo des Hushpuppies jouant devant l'opéra, on n'y croit pas une seconde - peut-être parce qu'elle reproduit à l'identique la forme télévisuelle, la monoforme que dénonçait Watkins?). Car il est bien affaire de croyance, oui, de croire en cette réalité banale soulevée non pas vers une version "fictive" mais bien vers une version rêvée que l'on peut atteindre (j'espère bien que ce projet donnera des idées à chacun de se ré-approprier l'espace public à sa façon).
-le peu de mise en scène, le maximum d'improvisation, la prise unique (la prise de risque) et l'ouverture à l'accident du réel crée l'émotion, toujours sur un fil, miracle rare qui, lorsqu'il surgit (cette annonce vocale lorsque Doveman se met au piano, la chef de station qui m'interdit de filmer Dean et Britta, ces feuilles d'automne qui semblent irrémédiablement attirées par les Guillemots...) a le don de me faire croire un peu plus à l'idée de sublimation du réel (Bernard S, are you around?).
-la base de ce projet, surtout, c'est de pousser des musiciens à réaliser des chose qu'ils n'oseraient pas faire habituellement - et la camera est là pour les persuader de le faire. Or la camera est juste un artefact, une excuse, pour enclencher des actions. Ensuite, l'action démarrée, la camera enregistre ce qu'elle a provoqué, simplement. Je ne suis qu'un passant, parfois un passeur, avec un peu de chance.
On débute. On pose les premières pierres. On construit, qui sait, une façon de se comporter dans le monde de demain? C'est en tout cas diablement excitant, et je remercie tous ceux qui chaque semaine me disent que ces petites images en mouvement leur apportent du bonheur.
Merci tout spécialement à Gil Savoy, notre preneur de son qui a superbement assuré sur cette session.
Voilà, alors les Guillemots, c'est tellement évident après ça, que dire... Y'a Fyfe Dangerfield, son nom de détraqué et sa gueule d'ange, Mc Lord Magrao le guitariste brésilien qui s'est reconverti en dactylo de luxe, Rican Caol qui sait qu'un bon batteur est un mec qui tape partout, et Aristazabal Hawkes, dont l'entrée musicale à la contrebasse sur 'Annie Let's not Wait' me fout des frissons à chaque fois. Sans oublier les cuivres qui savent se faire oublier pour mieux surprendre leur monde.
Oui, je crois bien que les Guillemots, c'est le meilleur Concert à Emporter. Pas mon preféré, mais tout est là, non?