Passer derrière les lourds rideaux rouges qui cachent l'arrière-scène. Sentir le vieux parquet craquer sous nos pieds, l'air lourd de la salle pleine de ses fauteuils de velours rouge repliés. Ne voir que deux, trois têtes silencieuses dépasser des balcons, ce piano posé seul au milieu de la large scène. Et Francesco, grand, svelte, qui sort d'entre deux rideaux, comme d'un film de Christophe Honoré. Grand, beau, les cheveux fous, diffusant une décontraction presque vexante sans jamais se départir de son assurance, de la maîtrise. On se surprendrait à le vouvoyer, il nous demande ce que nous voudrions entendre. Un petit Bach, et puis une impro ? Ce serait pas mal... Nous n'avons pas répondu, il a proposé.
Nous avons fait éteindre quelques projecteurs, Julien a posé ses micros, puis nous nous sommes reculés, laissant Colin et Francesco seuls sur la scène pour nous cacher derrière un pan de rideau, là où se jouent les drames de coulisse, comme quand dans une fiction, alors que l'un des personnages doit passer sur scène, une intrigue se joue en arrière plan, connue des seuls spectateurs du film, sans que ceux qui regardent la pièce ou le ballet ne se doutent de quoi que ce soit.
Là, j'ai été spectateur d'un étrange ballet. Francesco était sur son piano. Sur Bach, il est resté assis, droit. Puis, sur l'impro, il a bidouillé quelques machines à sa gauche, s'est levé pour frapper des cordes, était sans cesse en mouvement sans jamais changer de position. Et Colin tournait, tournait autour de lui, glissait, dansait autour de cet axe. Ce jour-ci, j'ai eu deux plaisirs : celui d'être mis face à une musique qui ne m'était pas familière, et savoir que j'auraivu des coulisses une scène au moins aussi vertigineuse que le film ci-dessous.