Elles ne disaient presque rien, les petites. Enfin, elles ne nous disaient presque rien : elles parlaient entre elles en suédois, s'accordaient, se calaient, chantaient. Pour les relations avec l'extérieur, c'était leur père, doux et maigre barbu ne les lâchant pas d'une semelle, qui assumait tout. Qui nous expliquait que ses deux filles continuaient leurs études, qu'il calait les tournées sur les vacances scolaires. Leur père, leur manager qui, après s'être tu pour les écouter répéter, s'émerveillait "n'est-ce pas incroyable d'entendre deux soeurs chanter ? Deux voix si proches se porter l'une l'autre ?".
Il y avait au moins un chauffeur de taxi pour être d'accord. Lui qui a accepté de nous embarquer après que nous nous sommes fait jeter des Buttes Chaumont par un gardien qui n'avait visiblement rien de mieux à faire que de nous poursuivre, si fier de nous avoir débusqués alors que les deux soeurs reprenaient les Fleet Foxes derrière un fourré. Le chauffeur, lui était aux anges. Il a souri tout du long, répétant à l'envi qu'il aimerait chaque jour commencer ses tournées de cette manière.
Nous avons fini dans les toilettes de la Flèche d'Or, pendant que J. Tillman faisait sa balance. Nous n'avons pas tellement parlé. Il était plus facile de les entendre chanter, ce qu'elles faisaient, vous le constaterez, divinement.