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take away shows — By AntoineV

Department of Eagles

Department Of Eagles est un groupe presque secret, en retrait, et ce pour plusieurs raisons. D'abord parce que il n'a jamais joué en live, malgré une unique session radio qui a été éditée en CD (Johnny Glaze Christmas: Classical Snatches and Samples a Go-Go 2003-2005 EP), aucun concert, jamais, et pour un groupe new-yorkais le moins que l'on puisse dire c'est que c'est un choix délibéré.

Ensuite parce que c'est un groupe très peu actif, qui se qualifie même « le groupe semi-actif le plus populaire des Etats-Unis ». Semi-actif, la raison principale vient surtout du fait que l'un des deux membres, Daniel Rossen, est plutôt hyper-actif. En effet, après la sortie de leur unique album The Whitey On The Moon (sorti également sous le nom The Cold Nose, assurément un des meilleurs albums de 2005), il a rejoint un groupe qui fait beaucoup parler de lui depuis deux ans et que l'on ne présente plus, Grizzly Bear. Quant à Fred Nicolaus, l'autre moitié, il travaille à plein temps.

Department Of Eagles n'est pourtant pas mort, loin de là, le duo continue d'enregistrer des morceaux et prépare un deuxième disque, dont est issu le premier titre de cette session, No One Does It Like You, magnifique popsong qui rappelle Paul Mc Cartney et Randy Newman, en vous perçant la tête aussi vite qu'une chanson des Beatles. Mais alors pourquoi ce groupe surdoué, dont la musique est au moins aussi inspirée que celle de Grizzly Bear, reste-t-il dans l'ombre ?

Une question d'attitude ? Le "Musée des Arts Modernes Département des Aigles" est un musée imaginaire qui a été créé par le plasticien belge Marcel Broodthaers, d'ailleurs autoproclamé Conservateur en chef, dont le but était de proposer des environnements, des sortes de ready-made en référence à des écrivains et des poètes, en jouant sur la relation contradictoire entre langage et image. Justement, la musique de Department of Eagles est construite autour cette contradiction, nourrie de sampling illégal, de détournement, de collages, de jeux en un mot. Les arrangements du premiers album surprennent, des notes de The Band côtoient des phrases de Beethoven, et la grande force du groupe vient de ce qu'il parvient à réaliser avec désinvolture et intelligence de merveilleuses chansons pop à partir d'un écueil de notre consommation musicale actuelle : la culture du zapping, de la playlist. Et c'est bien ce que prouvent ses vidéos, sans arrangement, à nu, les morceaux révèlent une formidable écriture.

Mais revenons à Chinatown, où Daniel Rossen entonne les premières paroles de Deep Blue Sea
, sublime ballade traditionnelle américaine (qui proviendrait d'un morceau irlandais), pour illustrer, sur un terrain de jeu comme il se doit, tout ce qui fait le charme et la magie des concerts à emporter. Réconcilier l'opposition entre langage et image en créant des petits moments de liberté suspendus, fragiles mais intenses. A mes yeux un plus beaux moments que ces sessions vidéos nous ont fait voir. Il fait très beau à Chinatown, dans ce décor grouillant mais pourtant tellement apaisé par la voix de Daniel, et les visages souriants qui défilent en arrière-plan comme autant de passagers temporaires, embarqués par hasard dans cette musique qui ne cesse d'avancer. Je me suis aperçu un jour que les Concerts A Emporter que je préférais étaient ceux où les musiciens déambulaient dans la rue en jouant, car c'est justement quelque chose qu'à priori ils ne savent pas faire, et il s'opère alors un joli renversement, ce n'est plus eux mais la musique qui avance, jusqu'à la fin du morceau, et ici la chute d'une petite fille, comme si elle avait oublié comment marcher toute seule.

La première partie du parcours s'achève avec You Move Too Fast , qui est un nouveau morceau, comme les deux précédents.

La balade continue dans Chinatown, d'abord avec Sailing By Night, le seul morceau issu du premier album. On se laisse dériver avec eux, dans un centre commercial, un restaurant, lorsque un fade out commence à tout confondre. Quand débute What Can Be Done on commence à croire à une blague. D'ailleurs tout ça ne peut être qu'une blague, une Poste américaine dressée au milieu de dizaine de magasins chinois, des restaurants dépeuplés, Fred qui fait semblant de jouer de la guitare sur Balmy Nights, Teresa qui fait semblant d'enregistrer le son et se donne des claques, les passants qui font semblant de ne pas regarder, de ne pas participer, la caméra qui fait semblant d'être un passant, un quartier qui fait semblant d'être américain, un groupe américain qui donne son seul concert devant un barbier chinois, des rues qui font comme si elles n'avaient plus de voitures, des images qui font semblant d'être nos souvenirs... On se laisse perdre dans Chinatown, le sourire aux levres, en remerciant encore les deux oiseaux.

Au fait, leur premier album vient de ressortir chez American Dust avec de nombreux morceaux inédits, youpi.