Une semaine que j'étais perdu dans cette trop grande ville de Kiev. Les immenses trottoirs ne semblaient satisfaire que les longues jambes des belles femmes qui y passaient, la ville avait souffert le passage d'un Euro 2012 qui avait rénové vulgairement façades et ruelles, et l'énergie de la ville en plein mois d'août semblait difficile à situer pour quiconque en quête de bohème. Ça n'était plus Lviv, ce n'était pas encore Odessa.
Le seul groupe que j'avais prévu de filmer en ville jouait des musiques traditionnelles et sacrées, de manière puriste. Voilà quelques mois que je m'étais embarqué dans une recherche avide d'ancien pour en tirer du nouveau, mais les mentalités ne sont pas toujours à la hauteur des poétiques et je m'en fus vite de fuir les réactionnaires musicaux qui conservent le passé sans jeter des ponts. Des ponts! je hurlais en regardant cette trop grande rivière qui partage Kiev.
Un peu désemparé et voulant quitter la ville, je me laisse convaincre un soir par un jeune homme du nom de Eugene. Il me parle d'un groupe au nom imprononçable, DakhaBrakha, et me dit très justement que 'c'est d'un pont qu'il s'agit, entre hier et demain, pour les jeunes gens d'aujourd'hui'. La formule est facile mais sied exactement à ce fabuleux, immense, hilarant, n'en jetez plus, groupe qu'est Dakha Brakha.
Venus du théâtre 'Dakh', lieu de culte des expérimentations locales, leur nom signifie 'donner/prendre' entre vieux dialecte ukrainien et leur musique, posée sur le terroir local (mais c'est donc ça l'Ukraine aujourd'hui?) s''enfuit bien vite vers des horizons globaux mais racés. Leur production discographique peut sembler un peu étouffante, perdue parfois dans trop de possibles productions (le malheur du génie touche-à-tout) mais leur performances sont toutes traversés d'une flamme bouleversante.
Rien de plus à ajouter. Car le plaisir de glisser ces petits mots entre deux vidéos s'accompagne d'une certitude - que vous venez de découvrir l'un des meilleurs groupes du monde.