Car Buck 65 est autre. Un dandy, un gentleman aux mots précis, joueurs, mais maîtrisés, efficaces, sans effort apparent. Pas de B-boys tournoyants mais un ancien mannequin à la voix rêveuse, pas de ghetto blaster mais un iPod glissé dans une timide enceinte portative – il y avait tout de même ces énormes piles rondes à glisser dedans, comme un lointain souvenir du mythe. Buck 65, formidable sur scène, se retrouvait là devant une audience peu concentrée, à l'exception de trois sympathiques lycéennes sagement assises à deux pas, tout ce petit monde vaguement intimidé, sans savoir de quoi les prochaines minutes seraient faites. Mais une fois l'instru lancé, plus de doute.
Il y a eu, évidemment, cette complicité évidente entre elle et lui. Il y a eu également, un embryon de malice à l'égard des lycéennes. Mais il y a eu, surtout, cette diction imparable, ces évocations bigarrées (Rossi de Palma, tout de même !), bref tout ce que Richard Terfry sait faire de mieux : rapper. Je l'imaginais en MC débridé et j'avais tort, je les voyais en couple et j'étais heureux. Pas de supercherie, pas de pose, pas de bouffonnerie : juste deux personnes qui demandaient à être mises, l'espace d'un instant, entre parenthèses.
Le bassin de l'Arsenal s'est imposé naturellement, à l'abri de la circulation et de la foule. Nous étions de moins en moins présents ; la musique, elle et lui marchaient sur le ponton, écoutés seulement par les bateaux sagement amarrés. La journée finissait froidement, dans une lumière blanche parfaite pour « Cold Steel Drum », des passants étranges ont croisés notre route, effleurés la bulle de Buck 65 et de celle qui lui a donné la réplique, mais sans jamais vraiment en saisir la portée. Un jour ordinaire à Paris.
Buck 65 en concert au Nouveau Casino demain, le 12 Avril 2011.