On avait d'abord lancé l'idée comme on a l'habitude de le faire, comme ça, en espérant que ça marche, juste parce qu'on aimait l'artiste. On avait juste suggéré cela, que Bon Iver puisse jouer un concert privé, une soirée de poche dans un appartement. On ne savait pas trop si on devait y croire, jusqu'à ce qu'on se retrouve, début mai, Nora et moi, dans une petite cour à interviewer Justin Vernon. A la fin de l'entretien, on lui évoque la chose, et le voilà qui nous dit que c'est un de ses rêves, que son album a été fait pour être joué devant de petites assemblées, qu'il est pressé d'y être.
Le salon avait été vidé pour la Soirée de poche, et nous passâmes une heure à traîner avec Bon Iver réfléchissant à la meilleure manière de jouer l'après-midi puis le soir-même, en complète acoustique, sans le moindre ampli. Nous leur avions apporté melodica, Glockenspiel; il y avait aussi le toy piano de la petite Ethel. Justin parlait de marcher au milieu du public, d'occuper l'espace. Puis Vincent Moon arriva, nous le laissâmes seul avec le groupe, dans l'appartement. Il fallait acheter les bières.
On a déjà raconté ici la magie de cette soirée. Une magie qui tenait à l'intimité, certes, à l'acoustique et la proximité, mais aussi et surtout à la réciprocité. Entre chaque morceau, Justin prenait trois minutes pour nous parler, pour dire le plaisir qu'ils avaient d'être là, ce soir, en petit comité.
Pour ne rien perdre de ce concert, la caméra de Vincent Moon est restée en permanence allumée. Il n'y avait rien à perdre, en effet, chaque morceau était une perle, et Bon Iver nous a gratifié de deux reprises, Olive Heart des Bowerbirds et un morceau de John Prine. Mais Moon était comme tout le monde ce soir-là, et il n'avait pas envie de filmer seulement, mais aussi vibrer, fermer les yeux et dodeliner. Alors il a laissé la caméra, elle est passée de main en main avant que Vincent ne la reprenne pour naviguer lentement parmi les gens assis pendant Wolves, pour laquelle le groupe nous a invité a fredonner avec eux, comme il le fait en concert traditionnel...
Pour vous donner une plus juste retranscription de la soirée, il aurait fallu laisser une caméra filmer le jour déclinant, le plafonnier qui s'éteint, les bougies qu'on pose. Quand Sean et Mike ont délaissé leur fauteuil pour laisser Justin entamer Skinny Love, il faisait nuit noire.
Après, il y eut des accolades, des sushis et quelques joints. Puis nous sommes tous descendus dans la rue. Liz Green était venue, on a chanté devant un manège, sur des trottoirs, au milieu de la rue, puis dans un bar, on a bu. On ne peut pas tout vous montrer non plus, il faut qu'on en garde un peu pour nous, bien au chaud, juste à côté de la conviction que nous allions organiser d'autres soirées comme celle-ci. Merci Bon Iver. Merci à tous ceux qui étaient là.