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take away shows — By Garrincha

Bertrand Belin

Choisir un artiste qu'on a envie de tourner en concert à emporter, c'est évidemment une affaire d'amour et d'affection. On vous la raconte bien souvent, cette petite musique des rencontres et des tentatives. C'est aussi une affaire d'imagination. Il faut essayer de voir telle ou telle personne aux prises avec le bruit d'une ville, d'un trottoir, d'un café ou d'un vent qui hurle, de s'imaginer ses réactions. La plupart du temps, il s'agit de gens qu'on ne connait pas vraiment. Parfois, c'est plus rare, on se fait une idée. Avec Bertrand Belin, on croyait savoir.

Pour être plus précis, j'avais quelques doutes. C'est que Hypernuit, aussi beau que soit ce disque, est une œuvre assez exigeante avec son auditeur. Ses chansons peuvent paraitre arides. Son tempo est d'une lenteur infinie - à tel point qu'il est tout à fait envisageable que de malheureuses oreilles non averties confondent cette façon de prendre son temps avec de la monotonie. Son chanteur est certes un peu dandy, mais c'est un dandy de l'effacement. Alors est-ce que les rues de Paris plongeraient d'elles-mêmes dans l'hypernuit rien qu'au son de sa voix ? Est-ce que les tables des cafés se rendraient compte que tout a changé ? Est-ce que le bitume se souviendrait avec nous de l'ancienne chaleur qui accablait les chevaux ?

Je ne sais pas si Bertrand Belin est particulièrement fier de son dernier disque. Je ne sais pas s'il le porte avec plus de confiance que ses précédents. Ce que je sais, c'est que le bonhomme nous a surpris. Il est tellement sûr de lui que rien ne peut lui résister. Jamais je n'aurais vu un chanteur prendre la ville avec autant de vigueur avec des chansons aussi discrètes. Lorsque les habituels passants flânent près de nous, il les regarde directement, droit dans les yeux, commandant leur attention. Sans fioritures et sans manières. L'un d'eux passera, excédé, en lâchant dès qu'il se crut hors de portée de nos oreilles un vibrant "quelle prétention!".

Ce n'est évidemment rien de tel. On parle d'un café occupé par de vieux Turcs qui jouent aux cartes. Belin lui-même entre y négocier un petit concert improvisé. On s'imagine passage Brady et malgré nos multiples échecs, on tente le coup et Bertrand à nouveau y fait entrer sa musique sans coup férir.
Il n'impose rien, pourtant. Comme vous le verrez, tout ce qui arrive est accueilli à bras ouverts par le musicien et ses deux acolytes au violoncelle. Un esclandre comme un danseur halluciné. Les chansons de Bertrand Belin font mieux que s'en accommoder, elles en jouent. Et nous avec.

En repartant, on a au creux de l'oreille les derniers mots chantés. Alors qu'on remballe, Bertrand Belin chante "Tombé pour la France" tout seul à la guitare. C'est drôle, d'autant qu'il commente certaines paroles en direct, mais c'est loin de n'être qu'une farce. "Ce sera bien", ce sont les mots qu'on emporte ce soir-là.