On a vu des groupes exciter des filles, laisser les badauds indifférents, gêner des concierges, galvaniser une petite foule. Andrew Bird a mis la ville en pause. Sa timidité, sa dicrétion ne nous laissaient pas attendre autant. Mais il aura suffi qu'il glisse sur les cordes de son violon pour s'imposer au décor, pour en redessiner les contours, en changer l'époque, brosser une atmosphère différente. Andrew Bird passe devant les vignes, et on oublie Paris. Andrew Bird remonte la rue, et ce sont les voitures garées là qui ne semblent pas à leur place. Andrew Bird croise une flopée de touristes, et ce sont eux qui paraissent anachroniques. Ce sont eux qui marchent à l'envers, d'ailleurs, non ?
Les chansons d'Andrew Bird sont des petites boites chinoises, de petits buffets espagnols. Minutieusement décorées, agencées avec art, riches d'une profusion de tiroirs secrets, de petites cases inattendues, d'intentions surprises, elles avancent par épisodes, par mouvements.
Comme par enchantement, Weather Systems, tirée de l'album du même nom, son premier chef d'oeuvre en solo, scénarise par ses trois moments le Concert à emporter. Ouverture et mise en place, mimique de boîtement dans les vignes. Second mouvement, le squelette prend forme dans la rue déserte, final en pizicatto à contre courant des touristes. Et en parfait metteur en scène, Bird, si beau, sait ponctuer chacun des Actes de petites virgules, de visages, de grimaces...
Nous étions, comme souvent, à Montmartre par défaut, proximité de salle de concert oblige. Mais ce paysage là convenait au final parfaitement. La musique d'Andrew Bird avait besoin d'anachronisme, d'être à la fois hier et aujourd'hui. C'est dans cet ailleurs du temps que ce Concert à emporter puise sa beauté. Merci Andrew.