Et les paroles qu'elle répand dans le froid, conteuse itinérante que personne ne semble écouter, disent justement "Although I've never been here, I know that here I've swam before". Et, alors qu'elle semble se laisser aller, alors que le vent batifole dans ses cheveux sans qu'elle semble s'en rendre compte, je me rends compte que je la crois. Je la crois parce que sa musique venue d'ailleurs sonne tellement familière que j'ai l'impression d'avoir grandi avec. Je la crois parce que sa voix, même si elle sort du chemin tracé, même si elle dérape et crisse, a quelque chose de naturel. La force de l'évidence. Elle a quelque chose d'ancien, aussi. Une voix qui porte plus que les sentiments de la jeune femme qui la pousse, qui charrie la mémoire de ceux qui sont venus avant et qui redonne à leurs vieilles histoires un lustre et une lumière, au moins aussi bien que le plus majestueux des édifices.
Alors, déplacée, Alela ? Nulle part, elle ne l'est. Qu'elle avance le long de la Seine sur des quais désertés, qu'elle chante devant la fontaine St Michel comme n'importe quel musicien de rue, encadrée par les lampadaires de Paris, ou qu'elle raconte une histoire que sa mère lui contait à un petit enfant, encadrée dans la porte de l'église comme une icone. Même les dames qui vont à l'office l'ont compris : partout où on se raconte encore des histoires pour se réconforter, Alela est à sa place.