Rarement tourné une vidéo de façon aussi à l'arraché, au bord de la rupture et du pétage de plombs, tendu jusqu'au moment où je me dis que je suis en train de faire n'importe quoi. Non pas que les Alamo Race Track soient des gars un peu rudes - au contraire de vraies crèmes, probablement le groupe le plus gentil que j'ai pu rencontrer, douceur et curiosité ouverte à tous vents.
Non, manque complet de préparation, débarquement n'importe comment, petite camera pas maîtrisée en main, journalistes néerlandais autour et bousculant un peu - les Alamo cartonnent au pays, encore une bonne pioche de l'excellent label Fargo, parisien mais aux oreilles plutôt portées vers l'Amérique des grands espaces.
Mais une Amérique également fantasmée, vue parfois de plus loin, revisitée et remodelée. Les quatre d'Alamo Race Track viennent donc d'Amsterdam, composant un rock très classe et tendu, plein de références (Radiohead, XTC, Joy Division, Television, etc...) mais toutes, sur leur second album Black Cat John Brown sorti en octobre dernier, assimilées et régurgitées avec grands effets - notamment des arrangements splendides, donnant profondeur à chaque morceau. Bien mieux que leur premier essai Birds at Home, la cuvée Alamo 2006 restera pour moi comme l'un des 3-4 meilleurs albums rock de l'année.
Pour cette session vidéo, je me suis fait accompagner du magnifique monsieur loyal pop Pablo Nicomedes, l'initiateur du projet Big Purple Van Club, dont on reparle très bientôt.
On débute pas loin du Moulin Rouge, au Kiss Me Bar avec la chanson du même nom, dans ce quartier de rades tous plus pourris et fascinants les uns que les autres. Les Alamo ont dû traîner leurs guêtres dans le coin pendant quelques temps, et un bar avec un tel nom, ça reste forcément en mémoire.
Malheureusement le bar est fermé, et l'ode prévue ne sera donnée qu'en extérieur. Mais trop de bruits, trop de monde autour, retour alors vers Montmartre et l'hôtel où les hollandais logent - un hôtel minable, chambres décorées de façon dégoûtante, rideaux pourris un peu partout. Mais enfin on est bien, entre nous, les gars se mettent plus ou moins en cercle et me laissent assez de place pour pouvoir circuler - j'aime bien les cercles, y'en a toute une série dans les Concerts à Emporter et ce sont souvent les moments où j'ai pris le plus mon pied.
La version alors donnée de The Northern Territory, une des perles de leur nouvel album, est l'une des plus belles choses que j'ai pu entendre en 2006 - la longueur du morceau et sa continuelle montée en puissance, ces voix qui se poussent les unes les autres. Et justement la chance de pouvoir être au milieu de tout ce son, d'y circuler, de se laisser exciter et monter avec eux, de se foutre de cadrer au bout de quatre minutes et de fermer les yeux en rythme. Juste une explosion, une prise, pas moyen d'en refaire une autre.
On est à la bourre après ça, on sort rapidement de la chambre et on tombe direct sur le Théâtre de l'Atelier (très bel endroit gâché par une programmation théâtrale merdique) et l'un de ses murs avec issues de secours "à la new-yorkaise". C'est tellement évident de les faire jouer là haut que je ne me soucie pas une seconde du danger potentiel de l'endroit. Aux trois quarts de l'entêtant Black Cat John Brown, morceau titre de l'album, un employé du théâtre antipathique au possible vient les interrompre en nous engueulant, flippant probablement que son bâtiment ne doivent payer les blessures de Ralph et ses potes lorsque tout s'écroulera.
Le morceau ne va pas à sa fin, mais le mal est fait: les Alamo Race Track viennent de risquer leur vie, ils s'en sont sortis sans bobos, et en les faisant descendre de leur perchoirs, on sent bien que désormais rien ne les arrêtera dans leur ascension fulgurante.
Welcome 2007.